Interaction : de quoi parle-t-on ?
L’action des médicaments vis-à-vis de l’organisme peut varier, en fonction de l’âge, des états pathologiques, du poids etc. mais aussi de certains nutriments contenus dans des aliments. Négligés, ces risques d’interactions entre aliments et médicaments
sont pourtant nombreux, d’où la mise au point récente de l’Agence
française de sécurité sanitaire des produits de santé (Afssaps).
On
parle d’interaction médicament/aliment lorsqu’un aliment exerce une
action négative sur un médicament, les deux peuvent alors réagir
chimiquement ou entrer en compétition vis-à-vis des récepteurs des
médicaments.
Quel est l’enjeu des interactions aliments/médicaments ?
Si, dans la majorité des cas, les interactions
aliments/médicaments n’ont pas d’effet significatif, quelques aliments
ont cependant un impact sur les médicaments en diminuant théoriquement
leur efficacité ou en augmentant leur toxicité. La plupart n’entraîne
cependant pas de modification des effets thérapeutiques.
En pratique, les habitudes alimentaires des Français, standardisées et équilibrées, ne leur font pas encourir de risque majeur.
Quels sont les mécanismes de ces interactions ?
Les mécanismes d’interaction aliments/médicaments impliqués sont variables. Le plus souvent, il s’agit d’interaction dites pharmacocinétiques,
c’est à dire entraînant une modification des concentrations sanguines
du médicament. C’est surtout dans les cas où les variations de
concentrations dépassent 30% que des conséquences sont possibles.
Par
exemple, la formation de complexes insolubles médicament/aliment est
responsable d’une diminution de l’absorption des médicaments et/ou des nutriments.
La
nature du régime (riche ou pauvre en graisses) peut aussi influencer la
résorption, c’est à dire le passage dans la circulation sanguine. Les
modifications de concentrations sanguines s’expliquent aussi par des
interactions :
– au niveau des enzymes responsables du métabolisme des médicaments (les cytochromes P450 hépatiques et intestinaux)
– ou des transporteurs permettant aux médicaments et/ou aux nutriments de pénétrer dans les cellules ou d’en sortir.
D’autres interactions peuvent aussi se produire – dénommées pharmacodynamiques – au niveau des récepteurs cellulaires de la réponse pharmacologique.
En vedette : le foie, l’intestin et les cytochromes P450…
La
quantité de médicament présent dans la circulation générale dépend de
la quantité absorbée par l’épithélium digestif mais aussi des processus
d’élimination. Le médicament est dégradé dans l’intestin, métabolisé dans les cellules de l’intestin (les entérocytes) et du foie, puis diffusé dans ces deux organes. Avant d’être distribué dans tout le corps.
Le métabolisme fait référence à la transformation du médicament en un ou plusieurs composés par une réaction enzymatique. Les sites de biotransformation sont le foie ainsi que l’intestin,
et les éléments-clé de ce système enzymatique sont les cytochromes P450
aux multiples sous-familles appelées des isoenzymes. D’où l’importance
des aliments qui agissent sur les cytochromes CYP450, soit en les
activant, soit en les inhibant.
Il existe des différences entre les individus, à cause de la variété (polymorphisme) génétique des isoenzymes P450 (ou isoformes).
L’intensité des interactions peut – théoriquement – varier d’un individu à l’autre.
Interaction entre médicaments et aliments
Conseils pratiques
1. Gare aux aliments riches en vitamine K
Les
brassicacées (choux, brocolis, épinards …), l’avocat, le persil, la
laitue, le thé vert et les abats regorgent de vitamine K. Ils sont donc à
consommer avec parcimonie (pas plus d’une portion « raisonnable »
quotidienne, en limitant les variations soudaine de consommation) si
l’on prend en même temps des médicaments anticoagulants oraux
(antivitamines K au long cours) pour fluidifier le sang.
En diminuant l’efficacité des anticoagulants, ces aliments font courir le risque de thrombose.
Le
jus de pamplemousse, celui des oranges de Séville et des tangelos
contient deux flavonoïdes (naringine et naringenine) qui inhibent :
– une isoenzyme de cytochrome P450, le CYP3A4, très impliqué dans le métabolisme de nombreux médicaments,
– et une protéine intestinale (la p-glycoprotéine).
a –
Cette inhibition provoque l’augmentation des concentrations sanguine de
médicaments tels que la ciclosporine (immunosuppresseur utilisé contre
les rejets de greffe) avec un risque de dommages rénaux.
A noter : un verre de jus de pamplemousse triple les niveaux de ciclosporine
b – Elle augmente aussi le niveau sanguin de certaines statines utilisées pour abaisser le cholestérol
sanguin : simvastatine, atorvastatine dans une moindre mesure. Le
risque de provoquer une atteinte musculaire profonde à cause des
agrumes reste cependant théorique chez les personnes traitées. En
général il s’agit de simples douleurs musculaires. De même le risque d’insuffisance rénale grave par interaction pamplemousse/statine reste théorique.
A noter : Un jus de pamplemousse pris en même temps que la simvastatine peut multiplier par 15 l’absorption du médicament.
c –
La concentration plasmatique de certains antihypertenseurs inhibiteurs
calciques peut aussi s’élever (felodipine, nisoldipine par exemple) avec
un risque d’hypotension principalement.
A
noter : Un verre de jus de pamplemousse augmente le pic plasmatique de
la félodipine d’en moyenne 300 %, de la nisoldipine d’en moyenne 500 %.
d – Un verre de jus de pamplemousse peut augmenter :
– les niveaux de terfénadine (antihistaminique) de 450 %.
– les niveaux d’éthinylestradiol (estrogène des pilules contraceptives),
– de midazolam (benzodiazépine : psycholeptique, sédative)
– de l’agent antiviral saquinavir.
De
plus, les agrumes (citron, pamplemousse, orange) doivent être évités
avec les anti-inflammatoires ou l’aspirine, sous peine de majorer voire
de déclencher des brûlures d’estomac ou des reflux acides.
1- éviter de boire un jus de pamplemousse dans les deux heures qui précèdent la prise de médicaments,
2- limiter sa consommation à moins d’un quart de litre par jour,
3- avaler ses anti-inflammatoires au milieu du repas.
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