Droit des malades et de fin de vie : de quoi s’agit-il ?
Jusqu’en 2005, le contexte de fin de vie trouvait une réponse dans plusieurs textes tels que la loi du 9 juin 1999 visant à garantir l’accès aux soins palliatifs et la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé. Ainsi, était reconnu aux malades le droit de bénéficier de soins palliatifs ainsi que de refuser un traitement.
Par là même, des devoirs étaient impartis au médecin par l’article 37 du Code de Déontologie médicale : ne pas pratiquer d’obstination déraisonnable, soulager les souffrances ainsi qu’accompagner la personne malade et sa famille.
Dès
lors, le droit en vigueur apportait un certain nombre de réponses
pouvant résoudre en partie les questions posées dans le cadre de la fin de vie.
Pourtant, il demeurait des zones d’incertitude. Les médecins réanimateurs réclamaient notamment une clarification législative autour de la pratique répandue de limitations et d’arrêts de traitement.
A ce besoin de clarification est venue s’ajouter une affaire au retentissement médiatique important : « l’affaire Vincent Humbert (1)
». Dès lors, une mission parlementaire sur l’accompagnement de la fin
de vie a été mise en place. Les conclusions de cette mission dirigée par
le député Jean Leonetti ont permis d’élaborer la loi relative aux droits des malades et à la fin de vie du 22 avril 2005. Le texte de loi se veut un savant équilibre entre le refus de l’acharnement thérapeutique et le refus de l’euthanasie.
La loi a permis de clarifier certaines pratiques en donnant la possibilité aux médecins de limiter ou d’arrêter les traitements et de lutter plus efficacement contre la douleur sans être inquiétés par d’éventuelles craintes d’ordre médicolégales.
Cette loi instaure pour ainsi dire un droit au « laisser mourir ».
L’euthanasie reste interdite en vertu du principe d’indisponibilité du corps humain. Elle est pénalement réprimée.
Droit des malades et de la fin de vie : comment ça marche ?
A/ Limitations et arrêts de traitements
La loi Leonetti affirme le droit pour chaque patient de ne pas subir d’obstination déraisonnable (2) et le devoir pour les professionnels de santé de ne pas en faire subir à leurs patients. Eviter une situation d’obstination déraisonnable revient, dans la plupart des cas, à envisager une limitation ou un arrêt de certains traitements.
Lorsqu’une limitation ou un arrêt de traitement est envisagé, il convient, pour se situer dans le cadre de la loi d’avril 2005, de répondre à deux questions :
- Le patient est-il en état d’exprimer sa volonté ?
- Le
patient est-il dans une phase avancée ou terminale d’une affection
grave et incurable, ou en situation de maintien artificiel de la vie,
grâce à un traitement dont l’arrêt risquerait d’y mettre un terme ?
1/ Le patient est capable d’exprimer sa volonté
Il décide en conscience s’il considère un traitement comme de l’obstination déraisonnable, le médecin a obligation alors de respecter son choix. Cependant, la procédure diverge en fonction de la situation du patient :
- Dans le cas où le patient est en situation de maintien artificiel en vie
Le médecin doit :
– informer le patient des conséquences de sa décision ;
– s’assurer qu’il a compris ces conséquences ;
– mettre tout en oeuvre pour le convaincre d’accepter les soins indispensables ;
– éventuellement, faire appel à un confrère pour d’autres explications.
Puis la personne doit réitérer sa décision après un délai raisonnable.
Elle est alors inscrite dans le dossier et mise en oeuvre ainsi que
tous les soins de confort nécessaires afin de sauvegarder la dignité du
patient.
- Dans le cas où le patient est en phase avancée ou terminale d’une affection grave et incurable
Le médecin respecte la volonté du patient
après l’avoir informé des conséquences de son choix et inscrit la
décision dans le dossier médical. Il met aussi en place tous les soins
de confort nécessaires afin de sauvegarder la dignité du patient.
2/ Le patient est hors d’état d’exprimer sa volonté
C’est à l’équipe
médicale de décider en dernier ressort si le traitement en cause doit
être poursuivi ou s’il peut être considéré comme de l’obstination
déraisonnable et donc être arrêté. Que le patient soit en situation de maintien artificiel de sa vie ou qu’il soit en phase avancée ou terminale d’une affection grave et incurable, la procédure est la même.
Le médecin peut décider de limiter ou d’arrêter un traitement inutile, disproportionné ou n’ayant d’autre objet que la seule prolongation artificielle de la vie du patient. Il doit respecter la procédure collégiale,consulter
les éventuelles directives anticipées ainsi que la personne de
confiance, si elle a été nommée, ou à défaut la famille ou les proches.
La décision motivée de l’arrêt ou de la limitation du traitement est
inscrite dans le dossier médical.
Procédure collégiale :
Avant de prendre une décision de limitation ou d’arrêt de traitement, le médecin en charge du patient doit mettre en oeuvre une concertation avec l’équipe de soins si elle existe. Il doit également obtenir l’avis motivé d’au moins un autre médecin, appelé en qualité de consultant. Il ne doit exister aucun lien de nature hiérarchique entre le médecin en charge du patient et le consultant. Ils peuvent demander l’avis d’un deuxième consultant.
(1)
Tétraplégique de 21 ans qui demandait le droit à mourir, finalement
décédé suite à l’intervention de sa mère puis d’un médecin réanimateur.
(2) Anciennement nommée « acharnement thérapeutique ».
Droit des malades et de la fin de vie
Information
B/ Soulagement des souffrances
La loi permet aux médecins d’utiliser des traitements pour soulager la souffrance, même s’ils ne sont pas dénués d’effets secondaires faisant courir le risque d’abréger la vie à condition :
- que le patient (3) (ou ses représentants s’il n’est pas en capacité de recevoir cette information) en soit informé,
- que l’objectif recherché soit le soulagement de la souffrance et qu’il n’existe aucune autre solution possible.
Directives anticipées
- Principe
Tout patient peut faire connaître par écrit ses directives concernant une éventuelle limitation ou un arrêt de traitement.
Lorsqu’une telle décision est envisagée alors que le patient est hors
d’état d’exprimer sa volonté, elles sont obligatoirement consultées.
Leur contenu ainsi que l’avis de la personne de confiance prévalent sur
tout autre avis non médical.
Il faut cependant rappeler que l’équipe médicale reste décisionnaire lorsque le patient est hors d’état d’exprimer sa volonté.
- Contenu
1. Sur papier libre, la personne indique son nom, son prénom, sa date et son lieu de naissance.
2. Elle précise ses directives concernant les souhaits relatifs aux limitations et arrêts des thérapeutiques en fin de vie. La personne seule en détermine le contenu (4).
Il peut varier en fonction du contexte dans lequel elle se trouve
lorsqu’elle les rédige. Si elle est en parfaite santé, les directives
seront d’ordre assez général et ne pourront entrer dans les détails. En
revanche, si la personne est atteinte d’une maladie grave, les
directives peuvent être plus précises selon la pathologie et ses
traitements.
Par exemple, la personne peut demander à
ne pas ou à ne plus recevoir d’alimentation et d’hydratation
artificielles si cela constitue le principal acte d’un maintien en vie.
3. Elle date et signe.
Si la personne est en état d’exprimer sa volonté mais dans
l’impossibilité de signer, elle peut demander à deux témoins (dont sa
personne de confiance si elle en a désigné une) d’attester que le document est l’expression de sa volonté libre et éclairée. Ces témoins indiquent leur nom et leur qualité, et leur attestation est jointe aux directives anticipées.
- Durée et validité
Les directives anticipées peuvent à tout moment être révoquées ou modifiées. Elles sont valables pour une période de trois ans. Pour les renouveler, il suffit de signer et dater une confirmation de décision sur le document original. A partir du moment où la personne malade est inconsciente ou hors d’état de les renouveler, les directives restent valides quel que soit le moment où elles sont ultérieurement prises en compte.
- Conservation
Elles doivent être accessibles au médecin amené à prendre une décision d’arrêt ou de limitation de traitement. A cette fin, elles sont conservées dans le dossier médical constitué par le médecin généraliste ou spécialiste
de ville, ou dans le dossier de l’établissement de santé en cas
d’hospitalisation. Elles peuvent aussi être conservées par leur auteur
ou confiées à la personne de confiance ou à un proche. Les coordonnées
de la personne qui les détient sont alors indiquées dans le dossier
médical.
Rôle de la personne de confiance
Depuis la loi du 4 mars 2002, chaque patient a le droit de désigner une personne de confiance pour l’accompagner et le représenter si besoin.
Lorsque le patient ne peut plus exprimer sa volonté, la personne de
confiance est consultée à propos des décisions éventuelles concernant
l’arrêt d’un traitement pouvant constituer une obstination
déraisonnable.
Droit des malades et de la fin de vie : ce qu’il faut savoir
C’est à nouveau suite à une affaire largement médiatisée, « l’affaire Chantal Sébire (5) », qu’une mission parlementaire a été confiée en mars 2008 au député Leonetti par le Premier ministre. Cette mission avait pour but de mesurer la méconnaissance des textes et de proposer d’y remédier, ainsi qu’éventuellement de pallier les insuffisances de la législation.
Elle
a montré que la loi était en effet très mal connue et par conséquent
peu ou mal appliquée. Jean Leonetti a remis son rapport en décembre
2008, en mettant l’accent sur l’importance de développer la
culture palliative et de faire connaître la loi sans estimer nécessaire
de la faire évoluer.
Droit des malades et de la fin de vie : position du CISS
Il est important
de permettre une large diffusion des recommandations de bonnes
pratiques auprès des professionnels de santé afin que la loi ne soit pas
mal appliquée. Le risque, en effet, serait que des praticiens ne retiennent que la possibilité de limiter ou d’arrêter les traitements en oubliant les procédures à respecter et le nécessaire accompagnement de ces décisions par des soins de confort prodigués au patient.
Il est nécessaire de mettre en place une réelle évaluation des pratiques dans le domaine de la fin de vie.
Cela doit être l’une des missions principales de l’Observatoire des
pratiques médicales de la fin de vie qui doit être mis en place au 1er
trimestre 2010.
Une proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale et en attente d’examen au Sénat, prévoit l’attribution d’une allocation journalière d’accompagnement d’un malade en fin de vie, versée aux personnes qui rempliraient les conditions suivantes :
- être
bénéficiaire du congé de solidarité familiale prévu par le droit du
travail (cf. fiche pratique n° 18) ou avoir suspendu son activité
professionnelle ; - accompagner à domicile une personne en fin de vie ;
- être un ascendant, un descendant, un frère, une soeur ou partager le même domicile que la personne en fin de vie.
La durée de 3 semaines de rémunération proposée par la proposition de loi
nous paraît constituer un bon début. Cependant, il faudra rapidement
évaluer si elle est suffisante et, le cas échéant, la faire évoluer.
De plus, nous estimons qu’il serait discriminatoire de réserver ce congé aux accompagnants des seuls patients à domicile. En effet, tous les patients n’ont pas les moyens matériels ou l’offre de soins ambulatoires adéquats pour finir leurs jours à domicile.
Les
patients en fin de vie, qu’ils soient à domicile ou en établissement,
doivent avoir toutes les chances d’être accompagnés par leurs proches
lors de moments de vie aussi cruciaux.
(3) Sauf si celui-ci a souhaité ne pas être informé de son état conformément aux dispositions de la loi du 4 mars 2002.
(4)
Bien que rien ne soit précisé à ce sujet dans la loi, il est conseillé
que la personne en discute avec un ou deux médecin(s) ainsi qu’avec sa
personne de confiance.
(5) Chantal Sébire, atteinte d’un
esthésioneuroblastome, une tumeur très rare des sinus et de la cloison
nasale, demandait une aide active à mourir. Elle a mené une action en
justice dans ce sens qui n’a pas abouti. Elle est finalement décédée
chez elle après avoir absorbé une dose mortelle de barbituriques.
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